L’idée de ce texte est de mêler les évènements de notre association à ceux du monde pour servir de point de repère aux personnes qui pourront ainsi lier tout cela à leur propre vie. Il s’agit aussi de procurer un moment de lecture un peu distrayant à propos d’un sujet qui l’est nettement moins.
Le choix des événements de l’actualité repris ici relève d’une démarche tout à fait subjective et non exhaustive. Il s’agit surtout de se rappeler de sujets qui ont pu servir de point de départ à des apprentissages, des débats, des échanges entre nos participants.
Enfin, les précisions concernant la vie de notre association sont choisies afin de montrer l’évolution de notre travail en mettant l’accent sur les nouveaux projets année après année, ainsi que sur le contexte carcéral et les moyens dont dispose l’ADEPPI pour réaliser ses objectifs.
On évoque souvent le 21e siècle comme étant celui de l’intelligence et de la créativité. Nous avons tenté d’y apporter notre petite contribution…
L’année 1980 est particulièrement importante. Parce que l’Armée rouge entre en Afghanistan ? Parce que la guerre Iran-Irak commence ? En Turquie, les militaires prennent le pouvoir et justifient – déjà – que l’Europe tienne leur pays à l’écart. Marguerite Yourcenar est élue à l’Académie française et brise ainsi une longue histoire de domination masculine. Vraiment ? Elles y sont combien aujourd’hui ?
Non, rien de tout ça, l’année 1980 est importante parce que trois travailleurs CST (Cadre Spécial Temporaire) sont engagés à Infor-Justice pour mettre sur pied un projet d’éducation permanente en milieu carcéral. Parmi eux, Jacqueline Rousseau. Ils ne seront pas si temporaires que cela. La preuve. Au début, il s’agit de prêts de cassettes audio et de disques à Nivelles et Marneffe grâce à des accords de collaboration avec la « Discothèque » de Uccle, de prêts de livres aussi.
De cette année-là, on retiendra bien sûr l’élection de Mitterrand. Beaucoup se réjouissent et pensent qu’un monde meilleur arrive dans la douce lumière tamisée des soirées électorales à la télé. Surprise. La désillusion viendra plus tard. De l’autre côté de l’Atlantique, un cow-boy cinématographique troque son costume pour celui de président ; Ronald Reagan est élu aux États-Unis. En Irlande du Nord, dix militants de l’IRA emprisonnés font la grève de la faim et meurent les uns après les autres. Madame Thatcher ne semble pas s’en émouvoir.
En Belgique, 200 000 pacifistes défilent et deux textes de portée essentielle voient le jour :
Dès le début, et jusqu’à aujourd’hui, l’Atelier se réclame de l’autogestion, bien dans l’air du temps, à l’époque et l’applique aussi bien que possible. Ni chefs ni sous-fifres ; à l’Adeppi aussi, on vote, les décisions sont réfléchies et prises collégialement.
En mars, les sidérurgistes prennent la place des pacifistes et on les sent nettement plus courroucés. En avril, les Anglais mettent une tripotée aux Argentins et récupèrent les îles Falkland que les généraux de Buenos Aires préféraient appeler « Malvinas ». C’est fou ce que les désaccords toponymiques tuent de marins. À Dallas, l’argent et le pétrole coulent à flot, dans la série télévisée américaine éponyme…
Nous, à l’ADEPPI, on veut bien s’intéresser à tout cela, mais on nage dans l’optimisme parce qu’un premier subside de 400 000 FB (disons 10.000 € pour les plus oublieux ou les moins matheux de nos lecteurs) est octroyé à l’association ainsi que 4 travailleurs CST. Ils donnent des cours de français et de langues à Marneffe, Namur, Nivelles, Saint-Gilles et Forest. Pendant qu’un musicien professionnel donne des cours de solfège à Nivelles.
Les « Tueurs du Brabant » vont tuer (jusqu’en 1985) 28 personnes, l’URSS abat un Boeing 747 coréen et fait 269 victimes d’un coup, 38 détenus s’évadent de la prison de Tournai (l’ADEPPI n’y donne pas encore cours et ne perd donc aucun étudiant dans l’affaire), 400.000 personnes défilent vainement à Bruxelles contre l’installation des missiles nucléaires et une violente tempête tue 13 Belges. Tous les chiffres sont là.
Non ! Sept travailleurs sont accordés dans le cadre du Troisième Circuit de Travail (TCT). Les CST deviennent TCT, un statut plus stable. L’ADEPPI étend ses activités à la prison de Mons.
Notre atelier est reconnu comme Service général d’Éducation permanente par la Communauté française ! L’ADEPPI se prend à rêver à un avenir glorieux et tient à mettre ses deux pieds dans la modernité. Nous donnons donc les premiers cours d’informatique (langage Basic) sur des machines d’une technologie ébouriffante : les Commodore 64…
À part ça, le monde suit son cours. Les CCC font leur apparition, bruyante. Fabius remplace Mauroy, en douce. Canal+ nous apprend à regarder la télévision, en image brouillée (ce n’est pas plus mal). L’Affaire Villemin passionne les foules. Une usine chimique explose en Inde (Bhopal) et fait des milliers de morts. Reagan est réélu shérif et apporte une nouvelle « étoile » au monde.
Mais la nouvelle qui concerne le plus l’ADEPPI, c’est celle de la mort de Michel Foucault dont le livre « Surveiller et punir » reste une des meilleures références sur la prison.
Premiers concerts organisés en prison par l’ADEPPI. Serge Utge Royo chante à Marneffe, Mons, Nivelles, Forest et Tournai (oui, on est à Tournai maintenant).
Pendant qu’on sifflote joyeusement, les CCC continuent à narguer la maréchaussée. L’État envoie des militaires, arme de guerre au poing, faire des contrôles d’identité aux carrefours. Il faut dire que les tueurs du Brabant wallon en remettent une louche de leur côté. Si la population s’habitue à voir des paras aux carrefours, elle ne va pas se formaliser pour les missiles discrètement installés en Belgique, tout de même… Dans l’Arctique, une vaste coopération internationale (télévisée) permet de sauver quelques baleines bloquées par les glaces. En Colombie, une petite fille (Omeyra Sanchez) meurt sous les objectifs de toutes les télés parce qu’on ne trouve pas de pompe pour la sauver de la noyade. C’est comme ça. En juillet, les services secrets français envoient un bateau de Greenpeace par le fond : un mort. La télé n’a pas été prévenue à temps. Dommage. C’est l’époque où on préfère mettre des gants pour rencontrer une personne atteinte du Sida, mais les enseignants de l’ADEPPI gardent les mains nues pour transmettre le virus du savoir.
Tous les Européens vont bientôt apprendre le Russe. Enfin, deux mots de Russe : « Glasnost » et « Perestroïka ». En janvier, un hélicoptère se plante pendant le rallye Paris-Dakar. Parmi les morts, le chanteur Balavoine. Une navette spatiale de la NASA explose au décollage. En mars, la comète de Halley déçoit tout le monde et chacun de se dire qu’il ne verra pas son prochain passage, ce qui remet les choses en place et file un coup de blues. Le 26 avril, la centrale nucléaire de Tchernobyl explose et envoie des petits nuages un peu partout. Nouveau coup de blues. Sandra Kim remporte l’Eurovision de la chanson pour la Belgique. Ce n’est pas de l’art, c’est juste « J’aime j’aime la vie ». Et ça ne soigne pas totalement deux coups de blues.
Une immense affiche de sportifs en shorts rouge décore les bureaux de l’Adeppi … Les Diables Rouges sont à Mexico ! C’est navrant, pensent les uns, entendant certains de leurs collègues, se passionner pour le foot, oui mais ça détend, rétorquent les autres. Il y a officiellement cinq milliards d’êtres humains sur Terre. À l’époque, on trouvait que ça faisait beaucoup.
Bref, il était temps de se changer les idées et l’ADEPPI a tenu à faire savoir qu’il se portait bien en conviant la presse à son 5e anniversaire, occasion de sortir le premier numéro du « Bulletin de l’ADEPPI ». Pendant une dizaine d’années, il informera les lecteurs intéressés par notre démarche sur des thèmes liés à l’éducation en milieu pénitentiaire. Cette ambiance festive se vit aussi à la prison de Mons avec un concert très apprécié de Salvatore Adamo.
Le ferry anglais « Herald of Free Enterprise » coule à la sortie du port de Zeebrugge parce qu’il avait oublié de fermer ses portes : deux cents morts. Mais la libre entreprise continue à bien se porter : en France, son héraut est TF1 qui passe au privé. Grâce à quoi, quelques années plus tard, certains de nos collègues iront jusqu’à se passionner pour la « Star Ac » ou « Perdu de vue »… C’est navrant, pensent les uns, oui mais ça détend, rétorquent les autres… Pour la première fois, les empreintes génétiques servent à confondre un suspect. Cette année, les prisons belges ont tendance à vivre quelques mutineries. On dira qu’elles sont très mutines ; ça fait charmant.
L’ADEPPI commet l’étrange folie de proposer des concerts de musique classique à Nivelles, Marneffe, Forest, Namur et Tournai. L’accueil est enthousiaste, comme quoi tout n’est pas si prévisible. Nous proposons également à Namur un atelier théâtre basé sur les techniques de l’improvisation. C’est le début des ateliers créatifs avec également les arts plastiques, l’écriture… que nous organiserons soit de manière ponctuelle, soit de façon plus permanente dans différentes prisons.
L’année 87 est plus longue d’une seconde que les autres années : la terre tourne moins vite. Comme c’est étrange : on avait tous l’impression que c’était l’inverse.
Carlo De Benedetti lance une OPA sur la Générale. Il nous a laissé le mot « incontournable ». Le Belge se passionne pour la chose, veut sauver ses bijoux de famille mais finit par pousser un ouf de soulagement quand Suez remporte le morceau. Incompréhensible. Pierre Desproges meurt. Là par contre, c’est compréhensible : il s’était abondamment moqué du cancer et des médecins. La guerre Iran-Irak prend fin sur un statu quo, sauf pour les morts. L’Irak a deux ans de paix devant lui ce qui n’est pas négligeable.
Nous participons à la publication d’un journal interne à la prison de Marneffe : le Passe Partout. L’équipe de l’ADEPPI se compose alors de treize travailleurs et participe à la naissance de l’asbl APRÈS. Un voyage hivernal au Québec permet de découvrir les avancées qui y sont réalisées quant aux programmes liés à la réinsertion. Invités par le Génépi (étudiants intervenant en prison), nous visitons des prisons en France : Gradignan à Bordeaux, Fleury Mérogis et Fresnes à Paris.
L’ADEPPI, soutenu par l’UNESCO, lance une étude sur le niveau scolaire des détenus : 12% des détenus testés sont analphabètes, 29% n’ont obtenu aucun diplôme, 74% n’ont pas de diplôme supérieur à celui des études primaires ou professionnelles. Nous proposons des concerts dans les prisons pour les fêtes de fin d’année, notamment avec les musiciens lauréats du Crédit Communal, du classique, mais aussi du jazz, de la Samba... Les Recommandations du Conseil de l’Europe sur l’éducation en prison nous conforte dans le bien fondé de notre démarche éducative. Elles seront bientôt suivies par un texte de l’ONU allant dans le même sens.
Le 9 novembre, les dirigeants est-allemands prennent la décision d’ouvrir le Rideau de Fer et de démolir le Mur de Berlin, comme ça on se débarrasse à la fois d’une métaphore et d’une réalité : le monde devient un paradis. Presque. Montant des dommages à payer par Union Carbide pour l’accident de Bhopal : 14 250 $ par Indien mort. Aux fêtes de fin d’année, tous les convives peuvent assister au « procès » puis à l’exécution de Ceaucescu et l’on se dit qu’ils ont trouvé le truc, là-bas, pour résorber l’arriéré judiciaire.
Pendant que l’ADEPPI participe à une expérience de théâtre Forum avec la Compagnie du Broccoli à la prison de Mons et collabore (avec le FOREm bruxellois et la COCOF) à une action de mise en formation professionnelle en régime de semi-liberté (pour les détenus en fin de peine), le reste du monde ne chôme pas.
Au rayon des bizarreries, on note que la Grande-Bretagne supprime les 666 sur les plaques d’immatriculation. Il s’agit bien sûr d’éloigner le diable. Quant au Roi des Belges, il devient simple pékin pour 36h : sa fonction avorte. Pas étonnant, après tout ça, que l’armée de l’air belge perde le cap elle aussi et enregistre des images d’OVNI. Au rayon des bonnes surprises, Nelson Mandela sort de prison après 26 ans. Au rayon des mauvaises, l’Irak envahit le Koweït.
Il faut convenir que le paradis annoncé par la « chute du mur » tarde encore un peu. La première guerre du Golfe et le début de graves ennuis en Yougoslavie font presque passer au second plan la nouvelle initiative de l’ADEPPI.
En septembre, nous lançons à la prison de Namur un véritable projet scolaire puisqu’il s’agit d’amener une vingtaine de détenus (venus de diverses prisons) à l’examen cantonal permettant d’obtenir le Certificat d’Etudes de Base (CEB). Les cours de français, de mathématiques et de culture générale sont donnés 4 jours par semaine et les « élèves » reçoivent une allocation d’étude qui tend à les mettre au même niveau financier que les « travailleurs » de la prison. Il s’agit d’une expérience devant nous permettre de stabiliser des groupes d’apprenants. Depuis lors, l’ « expérience »se poursuit... Une visite de la Reine Fabiola et du Ministre de la Justice Melchior Wathelet quelques mois auparavant à la prison avait permis à nos élèves et formateurs d’émettre leurs propositions pour améliorer l’offre de formation. En mai, nous partons à Dublin pour une rencontre européenne sur l’éducation en prison, en présence de membres de l’Unesco. Nous y présentons notre enquête sur l’analphabétisme et nous y visitons deux prisons.
Alors, face à tout cela, que pèse le fait que les cafés et restaurants belges doivent dorénavant délimiter des zones non-fumeurs (mai), que André Cools est assassiné (juillet), Gorbatchev « pensionné » (décembre) et que « Omar m’a tuer » (sic) ?
Soyons légers : les locaux de l’ADEPPI sont visités nuitamment et on nous pique un ordinateur. Les travailleurs, un peu désorientés, ont tendance à trouver ça injuste. Pan sur le bec ! L’ADEPPI est si satisfait de son initiative concernant le diplôme de primaires qu’il veut permettre à ceux qui l’ont obtenu de poursuivre jusqu’aux secondaires inférieures (à la prison de Mons). C’est très optimiste, très intéressant mais ne tiendra pas plus de deux ans faute de… candidats en nombre suffisant pour soutenir un effort pédagogique aussi important. Nous reviendrons alors à un module de formation générale un peu moins ambitieux. En mai, nous organisons une conférence de presse en présence du Ministre Michel Lebrun (Communauté française) et du Directeur général de l’Administration pénitentiaire pour fêter notre 10è anniversaire.
Sur le plan de l’actualité internationale, 1993 nous offre le divorce en douceur entre la Tchéquie et la Slovaquie. On va mettre un temps fou à ne plus dire « Tchécoslovaquie ». La poignée de main entre Rabin et Arafat en présence de Clinton est mieux couverte par la presse mais n’aura pas de conséquences durables. Eltsine prend le pouvoir en Russie et tient à rétablir la démocratie, tout en faisant tirer la troupe sur les parlementaires.
L’ADEPPI publie le premier numéro du Journal Inter Prison dont l’objectif est de donner une voix aux détenus. Un groupe de prisonniers de la prison de Nivelles sera associé à cette publication. Un genre de miroir du voyage… « Nullement la plainte, seulement la voix » S’il y avait eu une rubrique « jeux », nous aurions pu y proposer un quizz. Question principale : est-ce bien en 1993 que l’ADEPPI met en place, à la prison de Tournai, un cycle de cours à temps plein comme à la prison de Namur ?
Question subsidiaire n°1 : Waco, ça vous rappelle quoi ? Question subsidiaire n°2 : quel est le point commun entre Léo Ferré, Federico Fellini, Audrey Hepburn et le roi Baudouin en cette année 1993 ?
Madame Francine Lyna, ancienne juge d’instruction devient la Présidente de l’association.
Mais que faire pour se souvenir de cette année-là ? Se rappeler les trois Guy et l’Affaire Agusta, le génocide rwandais, l’inauguration du tunnel sous la Manche, l’arrivée de Mandela à la présidence de l’Afrique du Sud ? Ou bien le naufrage de l’Estonia en mer Baltique : 824 morts pour des portes toujours mal fermées ? Ou encore l’ « Ordre du Temple solaire » dont cinquante membres sont morts pour « faire triompher l’ordre dans le monde » ? Non, tout ça est bien triste. Par contre, on commence à diffuser la série « Friends » à la télévision.
Et en février débute la formation « Sésame » dont l’objet est d’aider des détenus proches de leur libération à formuler et à réaliser un projet concret de réinsertion, en synergie avec d’autres organismes tout en suivant des cours. C’est ainsi que les cours collectifs commencent à la prison de Saint-Gilles. Des écoles de promotion sociale commencent à proposer des formations professionnelles ou générales en prison. Des partenariats verront bientôt le jour entre celles-ci et l’ADEPPI.
La Fondation BERVELT attribue son prix annuel à l’ADEPPI pour « Sésame ». À part cela, pas de trace bien nette d’avancées tonitruantes pour l’ADEPPI cette année-là mais on bosse. C’est tout et ce n’est pas si mal. C’est le moment d’évoquer une partie de notre boulot non encore abordée mais qui nous tient pourtant à cœur depuis le début : nous allons régulièrement dans les écoles, du primaire au supérieur, pour parler de notre activité en prison et en discuter avec les élèves.
Chirac, nouvellement élu, décide de faire péter des bombes nucléaires à Mururoa, se mettant ainsi à dos bien du monde. Greenpeace envoie le « Rainbow Warrior II » pour s’y opposer ; les services secrets français ont la délicatesse de ne pas le couler à son tour. En Belgique, les gens partent en vacances avec en tête des petites filles disparues, dont on voit le visage sur des affiches dans toutes les gares. C’est le début de ce qui sera l’« Affaire Dutroux ».
L’année commence plutôt mal pour François Mitterrand : il meurt le 8 janvier. Les vaches sont de plus en plus folles et les humains prennent des leçons de vocabulaire : ils sont tous capables de dire sans respirer « encéphalite spongiforme bovine » et d’écrire « maladie de Creutzfeldt-Jakob ». C’est une performance. Les talibans s’emparent de Kaboul et imposent un ordre ultra-rigoriste (ce sont les termes de « L’État du Monde »).
À l’ADEPPI par contre, on est très constructif. On participe à la création de deux fédérations qui réunissent des associations oeuvrant en prison : la FIDEX (Fédération bruxelloise des institutions pour détenus et ex-détenus) et la FAFEP (Fédération des Associations de Formation et d’Education en Prison).
Premier atelier de percussions à la prison de Tournai. Huit détenus s’initient au djembé et aux rythmes traditionnels d’Afrique et d’Amérique latine. Désormais, tous les ans cet atelier « fera du bruit » dans une prison et se terminera en apothéose par une présentation avec participation de professionnels de la musique.
Deux jeunes femmes célèbres décèdent : Jeanne Calment dans son lit (elle aurait eu 131 ans aujourd’hui. Incroyable non ?) et Lady Di sur la route, comme tout le monde. Ah, si Doug Ross d’ « Urgence » les avait soignées, elles seraient toujours là, belles et fringantes, commentent certains formateurs « accros » à la série… Le protocole de Kyoto est signé et un premier engin se pose sur Mars où il n’y a pas encore de gaz à effet de serre.
Le « prix de la Poste » est attribué à l’ADEPPI pour son action d’alphabétisation. La formation menant au Certificat d’Etudes de Base passe de la prison de Namur à celle d’Andenne. Toutefois nous continuons à proposer une formation générale à Namur (avec un contenu allégé) mieux adaptée désormais à sa population.
L’année est marquée par Bill Clinton « qui-n’a-pas-eu-de-relations-sexuelles-avec-cette-femme » et par Pinochet, moins fringant mais inusable malgré tout, bloqué en Angleterre pour des « détails dans le genre « assassinats de masse ». Il s’en tirera au prétexte de son grand âge : pas glorieux mais efficace. Les Français, eux, s’étouffent de joie chauvine : onze d’entre eux, en culottes courtes, sont les meilleurs de la cour de récré. Génération Blacks, blancs, beurs et les bérêts…quand le foot rassemble.
Cette année-là, il y a 6 milliards d’humains sur Terre, une crise de la dioxine en Belgique et 15.000 morts dans un tremblement de terre en Turquie. Du côté des horreurs, on a aussi la fusillade de Columbine. Du côté des beautés, on assiste à une superbe éclipse complète du soleil. Et il y a les événements difficiles à classer comme une grosse manifestation « antimondialiste » à Seattle. On dira « altermondialiste » plus tard.
L’ADEPPI signe avec la Région wallonne une charte par laquelle elle s’inscrit dans les « parcours d’insertion » qui regroupent les organismes d’insertion socioprofessionnelle (O.I.S.P.) C’est également le début des cours de gestion à Saint-Gilles avec des examens organisés par les Classes moyennes. Nous engageons notre premier travailleur « Maribel » (ce joli nom désignant un Fonds pour la création d’emploi, notamment dans le secteur socioculturel)
Non ! Ouf ! Il n’y a eu aucune catastrophe informatique dans la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000 (d’ailleurs, il n’y en avait pas eu non plus lors du passage à l’An Mil…). On instaure les 35h en France et on en parle pendant des années. Le sous-marin nucléaire Koursk sombre et ce n’est pas très clair au fond.
Une formation en audiovisuel est organisée à la prison de Saint-Gilles en partenariat avec des professionnels du cinéma. Trois films entièrement réalisés par des détenus sont projetés au festival de Bruxelles. Ils recevront le 1er prix au festival « Filmer à tout prix » et seront diffusés sur la RTBF et sur ARTE. La FAFEP lance une grande étude avec le concours de 4 associations membres dont la nôtre : « Enquête sur la provenance sociale et le niveau scolaire des détenu(e)s en Belgique ». Il en ressort que le détenu moyen est masculin dans 95% des cas, jeune (32 ans), « d’une classe sociale peu favorisée et dans 50% des cas d’origine étrangère ». « La population détenue est gravement sous-scolarisée (les ¾ n’ont aucun diplôme ou uniquement le CEB alors que nous ne sommes que 27,6% dans ce cas dans l’ensemble de la population). »
Sur les seize stagiaires présentant l’examen de connaissances de gestion organisé à la prison de Saint-Gilles avec les Classes moyennes, treize obtiennent le précieux diplôme qui leur permettra d’avoir le statut d’indépendant. Des formations au permis de conduire (soutenues par le Ministère de la Mobilité) sont organisées dans plusieurs prisons. Rassurez-vous ils n’apprennent pas à semer la police. Dans le cadre d’une collaboration avec la Promotion sociale et Bruxelles-Formation, l’ADEPPI participe à des formations en horticulture à la prison de Saint-Gilles. Elles seront « transférées » à Ittre en 2003 et remplacées pendant quelques temps par une formation en cuisine qui subira le même sort. Dans la continuité du projet « Sésame », les modules de préparation à la Réinsertion à Nivelles et St-Gilles voient le jour avec des professionnels des secteurs concernés : aide sociale, insertion emploi, législation sociale, vie de couple… >De longues grèves des surveillants émaillent la vie en prison.
Dans le monde, Bush junior devient Président des États-Unis. Le 11 septembre, le monde change, les Twin Towers sont détruites à Manhattan. Cette date sera désormais dans toutes les mémoires en éclipsant quelque peu le souvenir du coup d’État au Chili. L’Afghanistan est envahi afin de récupérer Ben Laden… longtemps introuvable… On l’aurait vu sur un solex avec le mollah Omar, nous informaient « les Guignols de l’info ».
On n’a plus de sous, on n’a plus de francs, on a des euros. On en profite, on n’est pas des profs pour rien pour organiser des mini modules d’initiation à l’euro. La Suisse fait son entrée à l’ONU. Le Pen, plein d’humour, contraint tous les socialistes français à voter pour Chirac. La Belgique autorise l’euthanasie. L’OTAN accueille sept pays de l’Est. Le moment est proche où il ne restera que le Vatican en dehors.
Avec la Croix Rouge, des cours de secourisme commencent aux prisons de Namur et d’Andenne. L’ADEPPI se charge des cours d’anatomie. À la prison de Forest, on peut enfin organiser des cours collectifs. C’est aussi l’année de notre arrivée à Berkendael, prison des femmes à Bruxelles et Ittre.
Ça déménage à L’ADEPPI… Nos locaux se situent désormais au 303 chaussée d’Alsemberg dans de vrais bureaux avec ascenseur, chauffage, lumière. On songe même à acheter des chaises ! Nous avons une certaine expérience dans ce domaine, c’est notre 6e déménagement ! Grâce à une convention signée avec le FOREM, nos stagiaires obtiennent une prime de 0,89 euros (un euro moins le précompte professionnel – oui, oui, ils paient des impôts …-) par heure de formation prestée. Il s’agit d’une harmonisation de leur statut d’étudiants par rapport à la réalité extérieure. Nos postes TCT sont rebaptisés ACS (Bruxelles) et APE (Wallonie), appellations toujours aussi étranges, sans oublier les FBI devenus ex FBI… Serait-ce pour rivaliser avec le tout nouveau vocabulaire propagé par les lectures de la saga « Harry Potter » ?
Les États-Unis envoient leurs soldats combattre en Irak, pendant qu’on régionalise la politique de l’emploi en Belgique (autres lieux, autres priorités, ainsi va le monde…)
Nos collaborations avec la Promotion sociale s’étendent dans les prisons où nous travaillons.
Des bombes sur le rail Madrilène. L’Union européenne compte 25 membres : à part les spécialistes, plus personne n’est capable d’en faire la liste. Bush est réélu et Arafat préfère mourir. Le lendemain de Noël, un tsunami provoque une vague… de solidarité et 220.000 morts environ.
Une autre vague s’abat sur la Nouvelle Orléans et des émeutes inondent les banlieues françaises. Jean-Paul II et Rainier III s’en vont, dans l’ordre. Des attentats à Londres, des caricatures danoises, un projet de Constitution européenne coulé : une année normale.
La Loi Dupont est votée, pour une reconnaissance des droits fondamentaux des détenus et leur statut juridique, pourtant, 10 ans plus tard, nous attendons la mise en place du plan de détention qui intégrerait enfin la formation dans un projet de réinsertion dès le début de la détention … L’accès à la formation et à la culture reste réduit à peau de chagrin face au besoin sécuritaire et à l’austérité économique. Dans la foulée, la Communauté française nous invite à des Tables Rondes à propos de l’offre de service aux détenus. L’occasion de répéter une fois de plus nos souhaits pour une meilleure insertion des projets éducatifs en milieu carcéral. L’équipe se compose à présent de 25 personnes.
Le soleil se sépare de Pluton, mais ils restent en contact. Le monde, lui, est débarrassé de Pinochet. Egalement au rayon « décès de l’année » et dans le désordre, des personnalités aussi variées que Saddam Hussein, James Brown, Raymond Devos et Gérald Ford. Joseph Kabila est élu Président de la République Démocratique du Congo, tandis que Jacques Chirac inaugure le Musée du Quai Branly consacré aux Arts Premiers.
Tiens, on allume nos bougies en même temps qu’Amnesty International. L’ADEPPI fête son 25e anniversaire le 8 décembre au Botanique à Bruxelles, en présence de Laurette Onkellinx, ministre de la Justice : un buffet préparé dans les cours de cuisine en prison, de la musique « live », des discours. Pendant toutes ces années, nous avons donné des cours à environ 10.000 détenus. Maître Réginald de Béco, avocat pénaliste, est désormais le président de l’asbl.
Cette année, on fête le centenaire de la naissance d’Hergé et l’ADEPPI participe à la création de la CAAP (Concertation des Associations Actives en Prison) qui regroupe diverses associations des secteurs de la santé, du sport, de la culture, de la formation et de l’aide sociale. Elle est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics francophones dans l’élaboration d’une politique de réinsertion pour les détenus. Grâce au programme européen Grundtvig et un partenariat avec « Lire et Écrire », la FAFEP nous permet d’envoyer deux de nos formatrices au Pays Basque où elles s’initieront à une méthode d’apprentissage du français émancipatrice.
Pendant ce temps, les Spice girls remontent sur scène à Vancouver après 7 ans d’absence et Paris Hilton est incarcérée en Californie. Mais elle ne joue pas dans « Prison Break », série télévisée américaine renvoyant une image du monde pénitentiaire bien éloignée de notre réalité quotidienne. Eva Longoria la « Desperate Housewife » et Tony Parker, le joueur de basket, se marient, Ségolène Royal et François Hollande se séparent… Ce qui n’empêchent pas Nicolas Sarkozy d’être élu Président en France. Plus tragique, au Pakistan, Benazir Bhutto est assassinée…
C’est l’année internationale de la pomme de terre décrète l’ONU, la ville de Lyon célèbre le bicentenaire de la marionnette Guignol, les Jeux Olympiques se déroulent à Pékin, et le championnat de football en Europe est gagné par l’Espagne et Fidel Castro renonce à la Présidence de Cuba au profit de son frère Raoul. En 2008, « Bienvenue chez les Ch’tis » établit un record historique pour un film français : 20.435.557 spectateurs. Nous jouons le remake « Bienvenue à l’ADEPPI » : à la demande de la Région wallonne, nos activités s’étendent aux prisons de Marneffe (que nous avions quitté pendant quelques années) et de Huy. Nous reprenons les contrats de cinq enseignantes de l’asbl Aide et Reclassement. C’est ainsi que débute une collaboration avec cette association qui assure, depuis lors, un suivi social auprès de nos étudiants de Andenne, Huy et Marneffe.
Aux États-Unis, c’est la fin de mandat du président George W. Bush et le début de Barack Obama qui obtiendra le prix Nobel de la paix. La 81e cérémonie des Oscars sacre le film « Slumdog Millionaire » avec huit récompenses dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, une ode aux autodidactes et à la débrouillardise. Le 28 mars se déroule l’opération « Earth Hour » à travers le monde, pour sensibiliser l’opinion publique au réchauffement climatique. L’éclairage des grands monuments touristiques mondiaux est coupé pendant une heure. L’OMS déclare l’état de pandémie mondiale et, sans rapport aucun, Michael Jackson, le roi de la Pop décède. Lors de la commémoration de l’armistice de 1918, pour la première fois, un chancelier allemand est présent au côté du président de la République française
Dans le cadre d’un échange de savoir entre les détenues, un atelier couture est organisé à la prison de Berkendael. Afin de retrouver le plaisir de créér et de se sentir belle à leurs yeux et à ceux des autres. Des modèles originaux ont présentés lors d’un défilé devant les co-détenues, des visiteurs et le personnel de la prison. Une DJ adépienne assure une telle ambiance musicale que tous dansent ensemble. L’ADEPPI et d’autres associations de la FAFEP obtiennent une subvention du Fonds social européen pour l’accompagnement pédagogique des étudiants détenus inscrits dans les cours de l’Enseignement de Promotion sociale. Il s’agit d’une convention entre la CAAP, la FAFEP et la Promotion sociale dans le cadre du projet Réinsert. Cette suite logique du programme Insert sera reconduite jusqu’en 2020 (au moins…)
Tremblement de terre en Haïti, séisme au Chili, tempête Xynthia sur plusieurs pays en Europe occidentale et, le 15 janvier, la plus longue éclipse annulaire du millénaire. Trois mois plus tard, exactement, c’est la fermeture de tous les aéroports du nord de l’Europe à la suite de l’Éruption du volcan (au nom imprononçable) Eyjafjöll, en Islande. L’occasion pour deux de nos travailleurs de prendre quelques jours de vacances supplémentaires et de revenir en train (plus écolo que l’avion).Pour leurs étudiants aussi, du coup, c’est vacances scolaires. Les catastrophes géographiques sont parfois le prétexte à des contenus de cours, celle-ci en a carrément annulé… WikiLeaks dévoile plus de 90.000 rapports internes du gouvernement américain sur son implication dans la guerre en Afghanistan entre 2004 et 2010 ; Julian Assange devient la cible. Une fin guerre est proclamée en Irak après un conflit de 7 ans mais les bombes se retrouvent sur les marchés populaires.
Quant à nous, nos cours et activités se poursuivent invariablement. Le 30 novembre, Jacqueline Rousseau, fondatrice et véritable pilier de l’ADEPPI (on envisage d’ailleurs de lui ériger un monument), reçoit le Prix de la Citoyenneté de la Fondation P&V. À travers elle, c’est le travail de toute une équipe qui est honoré ; un travail effectué contre vents et marées malgré les avis de tempêtes probables annoncés.
Séisme de magnitude 9,0 sur l’échelle de Richter au Japon, suivi d’un tsunami dévastateur et entraînant un accident nucléaire à la centrale de Fukushima. Sommes-nous entrés dans l’ère du poison dans l’air et de la mutation génétique à la Godzilla ? Raid nocturne, élimination, inhumation en pleine mer ; USA 1-Ben Laden 0… mobylette à vendre. Dominique Strauss Khan tombe de haut, lui qui aimait tant s’envoyer en l’air. Nouveau séisme ethnique en Afrique le Sud Soudan proclame son indépendance. Kadhafi est capturé, lynché et tué ; son revolver en or n’aura pas suffi. Indignez-vous ! S’époumonent les participants à la première journée mondiale des Indignés.
Tout cela a-t-il une influence sur notre équipe ? Ou bien est-ce parce que l’ADEPPI a 30 ans ? En tous les cas, nous ressentons le besoin d’actualiser notre mode de fonctionnement. Nous tenons toujours à notre « chère autogestion ». Une analyse institutionnelle nous soutient dans cette démarche. Oui, l’ADEPPI a 30 ans. Nous ne sommes pas prêts pour fêter ça. Un peu de patience, ça viendra.
Nous n’avons pas encore évoqué nos stagiaires. Chaque année, nous en accueillons 3. Étudiants des Hautes Ecoles et des Universités, ils s’immergent dans notre quotidien : ils donnent des cours, s’intègrent dans notre équipe, approfondissent certains aspects de la formation en prison, comme ce travail sur les étudiants universitaires détenus réalisé par un stagiaire en criminologie. En effet, à la prison de Nivelles, deux projets pilotes voient le jour : un projet avec l’Université Libre de Bruxelles pour que des détenus puissent poursuivre des études universitaires. Un autre projet, à la demande de la direction de la prison est consacré à l’apprentissage assisté par ordinateur. Il s’agit d’accompagner les étudiants dans cette démarche. Malheureusement, l’ordinateur fait un bug. Trop peu de cours ont été mis à disposition. L’occasion ici pour nous de rappeler que rien ne remplacera jamais la présence, la transmission et l’échange de savoirs par la passion et l’implication d’enseignants. Enseignants ? Celles et ceux chargés de mettre à disposition des signes, de relever des traces, de remettre en piste…
Jean Dujardin danse, parle avec ses pieds et ça paye. Il remporte l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle dans « The Artist ». Après une pause ministérielle, Poutine revient au pouvoir (à vie ?) de toutes les Russies. Le tableau Le Cri d’Edvard Munch est vendu par Sotheby’s pour un montant de 119,9 millions de dollars.
Tout cela nous incite à la fête (malgré une émeute à la prison d’Andenne) et l’ADEPPI se met sur son 31 pour célébrer ses 30 ans ! Enfin ! Une ambiance de festival des arts de la rue : une exposition des travaux réalisés lors de nos cours et ateliers créatifs, des archives vidéos, des lectures, des spectacles, de la musique… En mai, nous participons à l’évènement : « Conjuguons nos talents » de la Maison de Jeunes « Masure 14 » à Tournai : avec une fresque et un buffet réalisés en prison par nos participants et présentés hors les murs par 4 d’entre eux bénéficiant d’une sortie spéciale. En décembre, nous sommes toujours d’humeur festive et nous mettons à l’honneur notre collègue Jean-Pierre Degreef qui devient le premier retraité de notre association, après une trentaine d’années à jongler avec les chiffres et les lettres.
Le flyer de l’évènement en .pdf
Et cela a donné des idées aux grands de ce monde : le pape Benoît XVI annonce sa renonciation, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio est élu pape et prend le nom de François, la reine Beatrix des Pays-Bas et le roi Albert II de Belgique abdiquent en faveur de leurs fils respectifs. Outre Atlantique, Obama se prononce en faveur du mariage gay alors qu’en France, Frigide Barjot joue les Marianne pour tous.
Bien plus discrètement, sans tambours ni trompettes, un autre « ancien » de l’Adeppi, Daniel Wagner s’en va après, lui aussi, trente ans à passer de l’ombre des murs à la lumière du savoir. Désormais et années après années nous verrons les uns partir et les autres arriver… Ainsi va la vie… Cette année voit aussi la fermeture de la prison de Verviers et la construction de celle de Marche que nous visiterons avant son ouverture, casque de chantier sur la tête… On parle aussi beaucoup des projets de construction d’une méga-prison à Haren. Waw ! Une ville-prison hors de la ville. Toujours plus, toujours plus grand, toujours plus de candidats à la réinsertion. Nous faisons une apparition lors d’une commission du Parlement bruxellois portant sur la formation et la santé en prison. Vivement Dehors (lui-même descendant du journal Inter-Prison) passe la main. Bonjour à Oxygène !
Le carrousel de l’actualité se poursuit encore et encore : de la révolution en Ukraine à la disparition du vol 370 de Malaysia Airlines, de l’essor de l’État islamique à la sonde Philae sur sa comète en passant par le Mondial au Brésil et aux Jeux Olympiques d’hiver au soleil de Sotchi. Sacré dollar va !
Et nous, on fait quoi ? Des cours, des cours, encore des cours, des ateliers créatifs, encore et toujours mais nous nous renouvelons aussi : après une trop longue absence, les ateliers d’écriture partagée reviennent en force à Nivelles. Tous capables, tous créateurs, tous chercheurs. Grâce à la fondation Talitha Koum, nous lançons dans plusieurs prisons des séances de « Communication non violente » animé par des spécialistes. Une formation pour les formateurs de l’ADEPPI est aussi organisée. À Saint-Gilles, on se lance dans une activité tout aussi pacifique, le chant choral, avec la complicité des Beaux-Arts et on danse sur du hip hop à Berkendael.
L’année commence difficilement par des attentats en France. Mais elle n’est pas la seule visée, il y aura aussi, en avril l’attaque de l’université de Garissa au Kenya qui fera 147 morts. L’extrémisme islamique et le terrorisme enflamme le monde. Syrisa en Grèce, Podemos en Espagne, le mécontentement cherche sa voie, les réfugiés aussi d’ailleurs. Les bateaux coulent, l’Europe regarde. Heureusement, Ryanair continue de faire du bénéfice, on pourra encore partir en vacances mais pas à Lampedusa ou sur certaines îles grecques.
Nous, on ne change pas, on évolue :
Nous participons, avec d’autres associations à plusieurs réunions de préparation du projet transmédia de la RTBF : « L’Homme au Harpon ». La Ministre de la Culture Fadila Laanan vient rencontrer les participants de l’atelier « Chant choral » à la prison de Saint-Gilles. Nous mettons à l’honneur les participants de nos cours et ateliers créatifs en exposant leurs réalisations lors du festival « Art et alpha #2 » organisé par Lire et Écrire et lors des Journées Nationales de la Prison.
Nous sommes 33 travailleurs (28 équivalents temps plein). En mars, nous proposons avec la Maison de la Culture de Namur, le Service d’Aide aux Détenus de Namur, la Compagnie Buissonnière et Canal C l’événement « In / Out – Rencontre ». Deux artistes Jokke Schreurs et Perry Rose se produisent à la prison et au Centre culturel le même jour. Des capsules vidéo de l’événement à la prison, une cellule reconstituée et « habitée », une exposition de peintures réalisées par les détenus complètent la soirée au Centre Culturel. Au printemps, nous sommes en chômage technique pendant plus de deux mois. Les surveillants font grève et s’opposent au projet de rationalisation des horaires (tant de travail pour les surveillants que de régime de vie pour les détenus).
Et pendant ce temps-là, le monde va mal. Et toujours des attentats, et toujours des guerres et toujours des réfugiés… Et toujours les mêmes mots à la une : sécuritaire, vivre ensemble, radicalisation, citoyenneté… Et les « Nuits debout ». Et des élections : Hillary ou Donald ? Nicolas ou Alain ? Et la suprématie de la finance et du commerce, stop ou encore ? « CETA, TTIP » ? Et le climat qui s’en va. Bientôt le Climax ? Et toujours des décès, de David Bowie, l’icône dandy-pop par excellence, à Bhumibol Adulyadej, roi de Thaïlande depuis 1946, quasi divinisé par son peuple.
50 ans de musique, 70 ans de règne… Quel est le lien avec l’ADEPPI, nous demanderez-vous ? Mais la longévité, bien sûr… Nous n’en sommes pas là, mais nous nous en approchons…
Et, malgré le constat que, depuis quelques années, la situation de l’éducation en prison régresse, nous ne nous laissons pas abattre. Nous fêtons nos 35 ans par une exposition en partenariat avec l’APRÈS, le Groep Intro et la Ligue des Droits de l’Homme, tout cela dans le cadre des Journées Nationales de la Prison et un vernissage le 15 novembre.
Pourtant, nous sommes inquiets, nos horaires de cours risquent d’être fortement rabotés et les locaux de cours encore moins disponibles. Comment, dans ces conditions, répondre aux exigences liées à nos subsides ? Déjà à la prison de Saint-Gilles, nous ne pouvons plus donner cours qu’en individuel depuis plus de un an ! Depuis plusieurs années, l’organisation de nos cours à Forest et Saint-Gilles est rendue fort difficile. Les établissements de promotion sociale n’y organisent plus de cours suite à tous les empêchements que nous y rencontrons ! À Mons, au quartier des hommes, des exigences organisationnelles (les détenus doivent déménager dans l’aile des punis où se donne les cours) nous empêchent d’inscrire un nombre suffisant d’étudiants ! À Huy, nous ne pouvons plus donner de cours collectifs l’après-midi !
Si tout cela ne suffisait pas, nous apprenons que, désormais, nous devrons assumer 5% du salaire de nos travailleurs ACS (auparavant ils étaient pris en charge à 100% par Actiris) ! Alors que notre subvention octroyée par Bruxelles Formation n’a pas augmentée depuis les années 90 ! Et pourtant, nous sommes invités par la Wallonie, en cette fin d’année 2016, à mettre sur pied de nouveaux projets : à la prison de Marche, mais aussi dans plusieurs prisons où nous nous rendons. Périlleuse à accepter, cette invitation à marcher sur la corde raide entre, d’un côté, des conditions de travail fragilisées et de l’autre côté, une politique volontariste de la Ministre de l’Emploi et de la Formation qui nous annonce sa visite aux cours donnés à la prison de Namur.